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mardi 11 février 2014

TOTAL WAR ROME : DETRUIRE CARTHAGE - David GIBBINS




J'avoue que lorsque le Père Noël a posé dans mes mules trouées ce roman tiré d'un jeu vidéo, j'ai été dubitatif... Aïe! Aïe! Aïe! Cela sentait fortement le genre de cadeau à recycler au plus vite en l'offrant à un ado de la famille (par alliance)...

Même si depuis Gladiator je me réintéresse - comme quand j'étais gamin - à l'antiquité, époque fascinante par son mélange de raffinement et de cruauté, je me demandais comment on pouvait "adapter" un jeu vidéo en roman...
Et quant à Carthage, je n'en savais guère plus sur son compte que la phrase célèbre de Caton, "Delenda est Carthago", seul souvenir ou presque de mes cours de latin du collège.

Mélange de personnes historiques et fictifs, ce roman retrace sur plus de vingt ans, de la bataille de Pydna (Macédoine) en - 168, à cette destruction éponyme en - 146, l'inexorable ascension de Scipion Emilien, petit-fils adoptif du grand Scipion - l'Africain -, et dont la destinée obsessionnelle, comme celle d'un Georges W. Bush envahissant l'Irak lors de la Guerre du Golf II deux millénaires plus tard pour terminer le travail de Papa, est de raser Carthage, épargnée par son illustre aïeul quelques cinquante ans plus tôt, ce qui constituera la Guerre Punique III, début de la total war qui entraînera la professionnalisation des légions romaines et conduira à la naissance de l'Empire Romain un siècle plus tard, ouf! vous pouvez reprendre votre souffle..
Certains rêvent de devenir acteurs, lui rêvait de détruire Carthage, c'est la vie...

Il est entouré durant toutes ces années de Fabius, son ami et garde du corps, de Polybe, son mentor grec, de Ennius, son copain de promo bricoleur inventeur du génie militaire avec ses fabri, et conserve dans son cœur  une place pour Julia, son grand amour contrarié.

Détruire Carthage est une superbe interprétation du IIème siècle avant JC, époque obscure connue seulement grâce aux écrits de quelques auteurs antiques, Plutarque et Appien notamment.
Il fallait tout le savoir-faire de l'auteur, David Gibbins, professeur d'histoire et d'archéologie à Cambridge, auteur de plusieurs livres historiques, que l'on qualifierait d'érudit si ce mot n'était pas désuet, mais pas de rat de bibliothèque pour autant, puisqu'il pratique la plongée et a dirigé les fouilles sous-marines du port antique de Carthage. Il a ainsi pu donner vie à cette époque civilisée et sauvage avec cette histoire, très documentée sur l'armement, la stratégie et la vie politique de l'époque, et qui se dévore comme un (bon) roman!

J'avoue que certains passages particulièrement gores, mais sans doute "normaux" pour l'époque, m'ont quand même impressionné... Allergiques aux crucifixions, arrachages d'yeux, écartelages, mises à mort d'esclave "pour l'entraînement", sacrifices d'enfant par le feu, esclaves jetés aux lions affamés et autres découpages de chairs vives, prenez garde!!

Moi qui aime les digressions, je ne peux m'empêcher de faire le rapprochement avec ce superbe bouquin de science-fiction des années cinquante, La patrouille du temps de Poul Anderson, dans lequel, dans l'une des histoires, l'auteur imagine l'assassinat du grand Scipion par deux gredins venus du futur. Suite à la prédominance engendrée de Carthage sur Rome, la conséquence en est une modification de notre présent, devenu une époque semi-moyenâgeuse car non cadrée par l'écrit et le droit romain. Une uchronie, donc... 
Il faudra l'action de deux patrouilleurs temporels en transit dans l'espace-temps au moment de ce point de bifurcation de l'Histoire pour que le continuum que nous connaissons reprenne son cours...

Heureusement... car sinon le petit-fils Scipion ne serait pas entré dans la postérité... et surtout, les jeux vidéo n'existeraient pas!